Les pouvoirs de police du maire

> 1. Vos pouvoirs de police en matière de bruit

En vertu des articles L.2212-2 et L.2213-4 du Code général des collectivités territoriales vous êtes tenu, en tant que maire, d'assurer la tranquillité de vos concitoyens. Cette obligation vous conduit à intervenir afin de limiter les bruits, qu'ils soient liés au voisinage, aux spectacles de rue et artifices de divertissement, aux activités motorisées ou aux activités professionnelles.

Vos pouvoirs de police en matière de bruit lié au voisinage
Sont considérés comme des bruits de voisinage les bruits inutiles, désinvoltes ou agressifs pouvant provenir de cris d'animaux (aboiements de chiens), d'appareils hi-fi, d'outils de bricolage et jardinage , d'appareils électro-ménagers, de jeux bruyants pratiqués dans des lieux inadaptés, d'activités occasionnelles ou de fêtes familiales, etc.
Pour lutter contre ces différents bruits,vous pouvez limiter certaines activités dans le temps.
exemple: Vous pouvez réglementer les jours et heures d'ouverture d'un stand de tir afin d'en limiter les bruits excessifs de nature à troubler la tranquillité des voisins.
(Voir CE, 22 mai 1981, Commune de Saint-Gence).
Vous pouvez réglementer les heures d'utilisation des plates-formes d'ULM dans le but de limiter les nuisances pour les riverains aux heures normales de la journée.
(Voir CE, 27 février 1995, syndicat national des pilotes et professionnels d'ULM)
Vous pouvez réglementer les heures d'utilisation des tondeuses à gazon en prévoyant notamment qu'il ne sera pas possible d'utiliser ces engins sur le territoire de votre commune les dimanches et jours fériés pendant une période s'étendant du 1er mai au 31 octobre.
(Voir CE, 2 juillet 1997, M.Bricq, req.nos 161369).

Vous ne pouvez toutefois pas prendre de mesures d'interdiction générales et absolues. Ainsi, vous ne pouvez pas prendre un arrêté de police qui déciderait que seraient réprimés les aboiements et les hurlements de chiens.
(Voir CE, 5 février 1960, Commune de Mougins, rec.p.83).

Vos pouvoirs de police en matière de bruit lié aux spectacles de rues et artifices de divertissement Pour assurer la tranquillité de vos concitoyens, vous pouvez :
limiter le déroulement des spectacles de rue 
>Les spectacles de rue sont généralement soumis à une autorisation du maire au regard des dispositions de l'ordonnance nos 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles. Toutefois, certaines activités se déroulant dans la rue peuvent y échapper. Ainsi, les " spectacles karaoké " organisés généralement par les exploitants de débits de boissons ne sont pas soumis à cette législation.
(Voir réponse ministérielle-Assemblée Nationale-J0 du 7 avril 1997). 
Ces activités peuvent alors être réglementées par vous à travers vos pouvoirs de police générale.
limiter la vente et l'utilisation des artifices de divertissement
>Vous pouvez interdire la vente des pièces d'artifice auprès de certaines catégories de personnes, notamment aux mineurs non accompagnés de leurs parents ou non expressément autorisés par eux.
(Voir JO Questions écrites-Sénat-25 novembre 1993-p.2260).
>Vous pouvez aussi limiter l'utilisation des artifices de divertissement en prévoyant qu'ils ne pourront être utilisés qu'en des lieux et à des moments biens déterminés.

Vos pouvoirs de police en matière de bruit lié aux activités motorisées 
En vertu de l'article 2213-4 du Code général des collectivités territoriales, vous pouvez, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de votre commune aux véhicules dont la circulation est de nature à compromettre la tranquillité publique.
exemple:Vous pouvez interdire la circulation des véhicules à quatre roues motrices sur certaines voies de votre commune dès lors que le passage de ces véhicules peut engendrer un trouble anormal aux riverains.

Vos pouvoirs de police en matière de bruit lié aux activités professionnelles
Certaines activités professionnelles (boulangerie, tabac, bar, discothèque, usine, etc.) peuvent engendrer un bruit important, qu'il provienne des activités elles-mêmes ou des clients. Lorsque ce bruit est de nature à troubler les riverains, vous devez intervenir.
exemple: Vous pouvez interdire la vente, de 22 h à 6 h, à une boulangerie-croissanterie afin de lutter contre le bruit provoqué par l'afflux des clients au cours de la nuit. 
(Voir CE, 7 juillet 1993, Cazorla, rec.ce.tab., p.655).
Vous pouvez imposer la fermeture à minuit d'un établissement où des installations de jeux sont mises à la disposition du public et prévoir qu'entre 22 h et minuit, le fonctionnement de l'établissement soit soumis à la réalisation préalable de travaux d'insonorisation. 
(Voir. CE, 7 novembre 1984, M. Guillaume et SA Guillaume, 
AJDA 1984, p.700.).

> 2. Les sanctions encourues en cas de violation de vos mesures de police

L'arsenal répressif pour sanctionner les bruits excessifs a été amélioré par le législateur afin de le rendre plus efficace. Trois sanctions différentes existent aujourd'hui.
La répression sur le fondement de l'infraction 
" tapage nocturne ou injurieux "
En vertu du Code pénal, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes peuvent faire l'objet d'une amende de 3e classe d'un montant de 3 000 francs au maximum. Ne peuvent donc pas être sanctionnés sur ce fondement les tapages diurnes ne présentant pas un caractère injurieux. Ainsi, un habitant qui écouterait trop fort la musique en ayant les fenêtres de son domicile ouvertes ne peut faire l'objet d'aucune sanction sur ce fondement.

La répression sur le fondement de la violation 
de vos arrêtés de police
Si vous avez pris un arrêté de police en matière de lutte contre le bruit, toute violation de votre décision peut être réprimée par une amende de 1re classe d'un montant de 250 francs maximum. Dans ce cadre, vous pouvez, depuis la loi du 31 décembre 1992, nommer des agents " anti-bruits" , soumis à l'agrément du procureur de la République, pour constater les infractions.

La répression sur le fondement de l'article R.48-2 du Code de la santé publique
En vertu de l'article R.48-2 du Code de la santé publique, peut être punie d'une amende de 3e classe d'un montant de 3 000 francs maximum toute personne qui, dans un lieu public ou privé, est à l'origine, par elle-même ou par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité, d'un bruit particulier de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage. Cette infraction trouve à s'appliquer aussi bien le jour que la nuit que le tapage soit ou non " injurieux ".
Toutefois, l'article 48-2 du Code la santé publique ne s'applique pas à toutes les activités. Il existe un régime dérogatoire pour les bruits générés par les activités professionnelles, culturelles, sportives ou de loisirs organisées de façon habituelle ou soumises à autorisation.

Si le montant des différentes amendes encourues peut apparaître faible, il faut avoir à l'esprit qu'il s'agit d'infractions instantanées qui peuvent se cumuler. Si le tapage est constaté trois fois au cours d'une même soirée, l'infraction sera commise trois fois et l'amende sera encourue trois fois.

> 3. Vos responsabilités

Dans le cadre de l'exercice de vos pouvoirs de police en lutte contre le bruit, vous pouvez voir votre responsabilité civile engagée. Votre responsabilité pénale peut également l'être pour des hypothèses bien précises.

Votre responsabilité civile. Votre responsabilité civile peut être engagée si vous n'êtes pas intervenu de manière suffisante pour faire respecter les règlements visant le bruit. Pour définir votre éventuelle responsabilité, le juge administratif procède à une analyse in concreto de la situation, c'est-à-dire qu'il se prononce en fonction des circonstances de l'espèce.

S'il n'est pas prouvé que l'utilisation vos pouvoirs de police à fait l'objet d'une faute détachable du service de votre part, votre responsabilité civile sera toujours prise en charge par votre commune.
exemple : La responsabilité de votre commune peut être engagée au motif que vous n'avez pas pris les mesures de police nécessaires afin de réglementer les manifestations organisées dans un foyer rural, manifestations qui ont à de nombreuses reprises engendré des bruits excessifs à des horaires tardifs, portant ainsi atteinte à la tranquillité et au repos nocturne d'un voisin.
(voir. CE, 17 mars 1989, Commune de Montcourt-Fromonville c/. Lagrange, rec.CE, tab.p.513.)
La responsabilité de votre commune peut être aussi engagée au motif que vous n'avez pas pris les mesures de police nécessaires afin d'empêcher le bruit excessif (utilisation de haut-parleurs) de nature à troubler le repos des habitants et d'assurer le respect du règlement sanitaire départemental édicté par le préfet.
(Voir CE, 25 septembre 1987, Commune de Lège-Cap-Ferret, rec.CE, p.296).

Votre responsabilité pénale. A priori, on peut penser que votre responsabilité pénale ne saurait trouver à s'appliquer pour un défaut d'utilisation de vos pouvoirs de police face à des bruits trop importants.
Toutefois, vous pourriez être pénalement poursuivi pour tapage nocturne dans l'hypothèse où l'infraction est commise dans une salle polyvalente municipale dont la bonne gestion relève de votre compétence.

Fiche réalisée par Bernard Poujade, professeur agrégé de droit public, avocat au barreau de Paris, François Dietsch, assistant de droit public, 1er adjoint au maire de Briey et François Meyer, allocataire-moniteur à l'Université de Metz

Les références : 
Art.L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales.
Art.L.2213-4 du Code général des collectivités territoriales.
La loi nos 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit publiée au Journal officiel du 1 janvier 1993.
Décret nos 88-523 du 5 mai 1988 publié au Journal officiel 
du 6 mai 1988.
L'arrêté interministériel du 5 mai 1988 relatif aux modalités de mesure des bruits de voisinage publié au Journal Officiel 
du 6 mai 1988.
La circulaire du 7 juin 1989 relative à la lutte contre le bruit publiée au Journal officiel du 9 juillet 1989.
Circulaire du 27 février 1996 relative à la lutte contre les bruits de voisinage publiée au Journal officiel du 7 avril 1996.

Pour en savoir plus 
Code général des collectivités territoriales, éditions du Moniteur, Tome 2, articles L.2212-2 et L.2213-4.
Vade-mecum de l'action municipale, collection Le courrier des maires et des élus locaux, éditions du Moniteur, " Les pouvoirs propres du maire dans son action au nom de la commune ", pages 36-42.

 

La lutte contre le bruit
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